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À propos de « King Dinosaur » , ou comment j’ai appris à arrêter de me faire du souci et à chanter du death metal.

L’an passé, mon bon camarade Maxime (que j’ai déjà largement emmerdé à lui faire jouer toutes mes idées de rock progressif bizarre au fil des années) s’est mis à composer un album de death metal mélodique à la suédoise et, n’ayant pas d’autre chanteur sous la main, il m’a envoyé les morceaux.

« Mais, Maxime, lui ai-je dit, tu sais que je ne suis pas chanteur de death metal. Je ne sais pas faire cette grosse, belle et profonde voix que des artistes aux noms si doux que Cannibal Corpse ou Cattle Decapitation ont rendu célèbre !

— Je n’en ai cure, a-t-il répondu – je romance un peu, il ne m’en voudra pas –, amuse toi dessus, et on verra bien. »

C’est ainsi qu’au fil de l’année 2020-2021 j’ai appris à faire du death metal. Moi qui était davantage porté sur le cri aiguë et perçant, j’ai regardé quelques tutos sur Internet et j’ai appris à faire la grosse voix. En fait, c’est plutôt rigolo et pas si difficile. Question de gestion de souffle, encore une fois.Tout cela a conduit à un album. Le « groupe » (c’est nous deux plus quelques musiciens de session, dans Fabio Alessandrini, qui joue entre autres chez Annihilator) s’appelle Nascentes Morimur (joie de vivre) et l’album King Dinosaur.

Pour le visuel, nous avions deux visions différentes. Maxime voulait un beau paysage de Fjord. Je penchai davantage vers un Tyrannosaure Rex portant couronne. Anouck Faure (www.anouckfaure.com) nous a fait la grâce de combiner ces deux choses en une avec le talent qu’on lui connaît (et si vous ne connaissez pas, il n’est jamais trop tard).

Pour l’occasion nous avons même commis un petit clip, à distance.

L’album s’écoute sur toutes les plateformes courantes, mais je préfère vous partager la page Bandcamp où il est possible d’écouter librement éventuellement d’acheter toute cette musique en haute qualité.

Petit survol rapide des huit pistes qui composent cet album, qui peut éventuellement accompagner l’écoute.

1. One

Au-delà du jeu de mot et du plaisir d’intituler la première piste One, ce morceau parle de la République, soi disante « une et indivisible ». Ce voile, largement déchiré et plus guère pudique, cache en réalité la guerre de tous contre tous. « One, indivivisible : indivisibly under your thumb » : il n’y a plus d’unité que dans la domination autoritaire.

C’est une chouette façon de démarrer l’album, pied au plancher. J’écoutais beaucoup Dark Tranquility pour l’occasion ce qui m’a donné le courage de mettre ici ou là quelques refrains en chant clair au milieu de toutes les gueulantes.

2. King Dinosaur

Le « single » de l’album. Un des morceaux les plus cool sur lesquels j’ai eu l’occasion de chanter. Le Roi Dinosaure, c’est le vieux monde qui s’accroche au pouvoir et ne veut pas passer, pas disparaître. Chacun mettra derrière cela ce qu’il veut. Je sais pour ma part vers qui tout cela est tourné. Les couplets sont largement inspirés dans le phrasé et le ton ironique de la chanson Mrs God d’Helloween. Le refrain alterne entre versions hurlées et plus mélodiques, afin de ne pas lasser. Maxime joue un solo superbe et entraînant et le morceau contient le premier vrai punk hardcore de l’album et le premier passage « cookie monster. » Grosse éclate pour moi.

3. Dog

Je ne sais plus exactement quelle était l’idée derrière cette chanson mais, en la réécoutant, elle me semble parler de la difficulté d’accepter les règles arbitraires et toujours changeantes qui ont ponctué ces derniers mois. L’expérience de l’éducation d’un chiot n’y est sans doute pas pour rien non plus. J’ai suggéré à Maxime de varier la structure du refrain pour laisser davantage de place à la guitare, avant que la voix ne vienne compléter à la fin. Pour les connaisseurs et connaisseuses, le « Go » avant le solo est un clin d’oeil assumé au début de Blinded by Fear d’At the Gates.

4. Cursum Perficio

Tous les titres de travail des morceaux étaient des locutions latines. Celle-ci est restée. C’est peut-être le morceau sur l’arrangement duquel je suis le plus franchement intervenu. La tradition veut que le quatrième titre de l’album soit une cassure de rythme. C’est aussi le premier morceau composé, si je me souviens bien. J’y joue l’intro à la guitare sèche et à la basse, noyée dans un phaser assez rigolo, ainsi que quelques claviers sur le refrain, pour complimenter la mélodie de guitare.La rythmique du couplet est un grand classique de Maxime, et son plectre en titane y fait merveille.

Le refrain est peut-être l’une des mélodies les plus haut perchées que j’ai jamais chantée. Je triche et varie d’ailleurs un peu pour rester dans une tessiture accessible à mon absence de formation musicale. La chanson parle de poser ses valises et d’arriver enfin chez soi. C’est le début de la partie la plus « progressive de l’album », avec plusieurs breaks qui permettent de mieux revenir au refrain.

5. Faces Gone

Cette chanson traite plutôt explicitement du port du masque facial, de l’expérience d’être masqué face à une trentaine d’enfants masqués et de l’angoisse suscitée. Il y est aussi question de l’yporcirise des sourires médiatiques (« Theirs is not a smile : this is just the rictus of a predator »). C’est peut-être le morceau le plus franchement death metal traditionnel (penser Death, période The Sound of Perseverance), à ceci près que le pré-refrain et le refrains sont chantés en « clair ». J’aime beaucoup le deuxième pré-refrain où les voix se mélangent. Il y a un joli break au synthé, avant de repartir de plus belle sur un solo à la twin guitar. Il y est question de l’endormissement et de la peur entretenue du monde extérieur : « Sleep well my child. Everything wrong is on the outside. »

6. Sorry

Pour moi, le morceau le plus personnel de l’album. Je ne m’étendrai pas sur la signification des paroles, mais j’ai embêté Maxime pour qu’il compose un morceau dans cette veine, très influencée par Insomnium ou encore Trees of Eternity. Pour compenser le traumatisme de ralentir le rythme, je lui ai promis des couplets entièrement « growlés ». La simplicité du refrain se suffit à elle-même. J’ai beaucoup l’arpège initial noyé dans la réverbération, ainsi que le solo final, qui dit tout ce qu’il a à dire. Fabio Alessandrini joue une très jolie partie partie jazzy sur le pont central dépouillé.

7. Disaster Pornography

Comme son nom l’indique, ce morceau parle de la satisfaction dans la destruction et de l’esthétique catastrophique et catastrophiste dans laquelle les gens de ma génération ont grandi (« All they taught us was lies, lies by omission and sloth »). Étrangement, ce sont les chœurs du refrain qui me sont venus en premier et autour desquels j’ai construit mes interventions. Les amateurs reconnaîtront sur le break une imitation décente du placement vocal de Troy Sanders de Mastodon, ainsi que quelques « hetfieldismes » qui ponctuent les couplets. C’est sans doute le morceau le plus en lien avec mon travail littéraire : le refus de la jouissance dans la destruction. Et puis, en toute franchise, avoir « Pornography » dans le titre facilite le référencement.

8. Goodbye

Commencer par One, finir par Goodbye. Ce morceau ne s’arrête jamais. Maxime joue en en tremolo picking quasiment non stop. Les lecteurs de Malboire savent que, pour diverses raisons, la dépression est une présence continue dans ma vie. Cette chanson est le creux d’un tel épisode. Musicalement, c’est un peu la réponse au premier morceau de l’album, avec les variations entre chant crié, chant hurlé, chant growlé et chant clair reprenant les mêmes paroles. Les couplets m’ont donné pas mal de fil à retordre, mais il me semble m’en être bien sorti.

Pas une note très lumineuse sur laquelle terminée, mais si le metal ne sert pas à exprimer ce genre de choses, à quoi d’autre ?

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