Peut-on consommer un livre ?

Le terme « consommation » semble s’imposer de plus en plus dans le langage commun pour désigner le fait de rentrer en relation avec une œuvre « culturelle ». On consomme un livre, de la musique, un film ou une série , des jeux-vidéo ou, bien sûr, on consomme du « contenu ».

Il me semble que cet usage pose problème pour plusieurs raisons, et pas seulement pour celles que l’on croit.

Tout d’abord, le plus évident. Faire rentrer les biens artistiques et symboliques dans l’ordre de la consommation d’une telle manière, c’est les considérer d’abord comme marchandises, et non plus comme également marchandise et « autre chose », ce qui a longtemps été la position majoritaire des élites culturelles françaises. Dire que l’on « consomme » un livre, c’est accepter que le livre soit devenu « une marchandise comme les autres », contrairement à ce que disait la loi Lang sur le prix unique du livre que les acteur·ices de la chaîne du livre invoquent si souvent.

Bien sûr, à première vue, un livre (ou un disque, un film de cinéma, un spectacle) est une marchandise, ou, plutôt, il est marchandisé ; un bien produit sous le capitalisme, c’est à dire dans le rapport de production capitaliste, est nécessairement une marchandise. Les conditions de production et d’échange d’un livre. se font dans l’ordre de la marchandise, qui donne structurellement le primat à la valeur d’échange pour elle-même contre la valeur d’usage (ici, le « contenu » artistique du produit, si l’on veut). Comme toute marchandise, le rôle d’un livre est de produire de la plus-value, non pas pour le consommateur, mais pour l’entreprise marchande capitalisme. D’où la nécessité de produire du grand volume, à peu de frais, tout en cherchant à attirer l’acheteur par des qualités de fétiche qui différencient la marchandise des autres. En ce moment, dans le livre, ce sont les éditions « collector » cartonnées, avec jaspage, dorures, etc. Ainsi « dans la consommation enfin, les produits deviennent objets de jouissance, d’appropriation individuelle ».

Mais là où un bien « culturel » se différencie d’une marchandise autre (un sandwich, par exemple), c’est justement qu’il ne se consomme pas. La consommation, comme le dit Marx dans la Contribution à la critique de l’économie politique, est une destruction de l’objet consommé. Un sandwich consommé disparaît. Il cesse d’être « sandwich » pour devenir aliment digéré. Un livre, lui ne disparaît pas. Il peut-être lu et relu à l’infini. En cela, il se rapproche d’un outil : la valeur d’usage d’un livre ou d’un enregistrement musical est plus proche de celle du couteau avec lequel on a fabriqué le sandwich qu’avec le sandwich lui-même. Le livre est anti-marchandise en cela qu’il est réutilisable ; le capitalisme, lui a partie liée avec le jetable.

Pire, un livre peut-être revendu : c’est à dire marchandisé en dehors du désir des entreprises marchandes elles-mêmes. D’où la lutte acharnée des éditeurs de jeu-vidéo contre le marché de l’occasion, ou la marchandisation de la petite annonce que proposent LeBonCoin ou Vinted qui extraient une plus-value d’un échange marchand auquel ils ne prennent même pas part. Le prêt ou le don « gratuits » sont donc un geste anticapitaliste, et la constitution de lieux de socialisation de l’accès aux biens culturels comme les bibliothèques, ludothèques, banques d’outils. Bien sûr, cet usage social peut lui aussi être marchandisé ; exemple paradigmatique : les trottinettes électriques en « libre-service », le covoiturage « Blablacar », etc.

Par contre, il est vrai que les biens culturels sont des objets de consommation – ou, mieux, des objets de la consommation – lors de leur production. Divers objets sont consommés pour produire un livre : la force de travail du travailleur, les biens et services nécessaires à la reproduction de sa force de travail, mais aussi les moyens de sa production, comme le papier, l’encre, la reliure, l’ordinateur, le logiciel de traitement de texte, etc. Là encore, Marx écrit, toujours dans la Contribution : « d’une part, l’individu qui développe ses facultés en produisant les dépenses également, les consomme dans l’acte de la production, tout comme la procréation naturelle est consommation des forces vitales. Deuxièmement : consommation des moyens de production que l’on emploie, qui s’usent, et qui se dissolvent en partie ».

Dans le cas d’une marchandise culturelle, c’est donc plutôt le moment de la production qui est un moment de la consommation. Le travail de l’écrivain, du chanteur, de la musicienne, de l’opératrice de caméra, etc est incorporé dans la marchandise. Cependant, la contradiction reste : le bien culturel ne disparaît pas après usage. C’est, je crois, un levier qu’il est possible d’utiliser pour construire une production et une diffusion non marchandisée, donc non capitaliste, c’est à dire communiste des biens culturels et symboliques.

Le livre sur l’écriture dont vous êtes le héros ou l’héroïne.

Chèr.es toustes,

J’ai écrit ces derniers temps un petit texte, un “livre-jeu” intitulé Le livre sur l’écriture dont vous êtes le héros ou l’héroïne.

Le livre :

Pas vraiment un manuel, pas vraiment un essai littéraire, Le livre sur l’écriture dont vous êtes le héros ou l’héroïne prend la forme d’un parcours à choix multiples à travers un processus d’écriture et la manière dont je viens à l’envisager.

Ce n’est pas un livre sur « comment écrire », mais plutôt sur « quelles sont les questions qui se posent quand on écrit ? ». Les réflexions et propositions sont illustrées par des exemples littéraires mais pas que. L’idée c’était que ce soit amusant, tout en permettant de synthétiser diverses réflexions en cours.

C’est aussi un work in progress, et je ne m’interdis pas d’y revenir et de le retravailler à l’occasion.

(la couverture est pas jolie, mais je suis pas graphiste, et c’était vraiment parce qu’il en faut une ^^)

À prix libre :

Je le rends disponible gratuitement et libre de droits. Cependant, si vous avez quelques euros à dépenser, voici quelques options :

Vous pouvez faire un don à https://utopia56.org/, une association qui s’occupe de l’accueil des exilés en France.

Vous pouvez donner à l’une de ces ONG locales qui travaillent en Palestine :
https://buildpalestine.com/2023/10/25/local-palestinian-organizations-responding-to-the-humanitarian-crisis-in-gaza/

Ou alors un don à https://www.anticor.org/, une organisation qui lutte contre la corruption en France.

Si vous voulez me donner l’argent à moi (c’est vraiment pas obligé, j’insiste) :

Je fais de la musique qui est dispo à prix libre sur Bandcamp. Si vous voulez m’adresser directement de l’argent, c’est le meilleur moyen : https://firsthundred.bandcamp.com

Vous pouvez aussi acheter un de mes livres en papier ou en numérique.

Les liens pour télécharger le livre :

En pdf : cliquer ici.

En livre numérique, format .epub : cliquer ici.

Bises à tout le monde,

Camille