Le mur ne se rapproche plus. Nous sommes face à lui, et il nous fait reculer. Le quotidien ressemble à une coupe du monde de football dans un stade climatisé au milieu du désert. Le présent s’est refermé sur lui-même. Le passé et le futur ont cessé d’exister.
« La voie est close. Elle fut faite par ceux qui sont morts. La voie est close. »
Combien de temps, au juste, s’est-il écoulé depuis Sainte Soline ? Je suis forcé d’y réfléchir un long moment pour répondre. Y a-t-il réellement eu un mouvement de contestation sociale de plusieurs mois à l’hiver dernier, au printemps ? Le présent n’en montre rien. Il n’a dévié en rien de son inexorable actualité.
Depuis combien de temps l’Ukraine ? Le génocide en Palestine n’a que deux mois, mais il dure depuis toujours. Le Haut-Karabah lui ressemble comme deux gouttes d’eau.
Nous existons désormais dans le monde de l’actualité permanente. Le futur a disparu, il a été dévoré. Il n’en reste plus que des projections, des objectifs. C’est un fétiche que des historiens et des écrivains continuent d’évoquer régulièrement, sans le moindre effet.
Cet éternel présent est plus qu’une impasse. C’est un piège. L’ancien monde n’en finit pas de finir. Le présent est rempli de monstres.
Le passé fait défaut également. S’il existait encore, l’année française s’achèverait-elle sur le tapis rouge déroulé au projet politique d’un extrême droite trop consciente que le spasme de mort du capitalisme libéral est le signal de son entrée en scène ?
Le Royaume-Uni a un nouveau roi. Les banlieues se soulèvent et sont réprimées dans l’indifférence générale. On construit des porcheries toujours plus immenses. Des écrivains de science-fiction jouent aux figurines pour le complexe militaro-industriel. Crise dans les imaginaires. Il y a un nouveau film Marvel. L’Afrique du Sud est championne du monde de rugby. Donald Trump prépare son retour, malgré son procès. Un humoriste est menacé de mort pour une blague sur le zizi d’un nazi. Un ministre de la santé démissionne, une autre est appelée, déjà corrompue. Un homme se noie en traversant la Manche. Le Président de la République parle pour ne rien dire à la télé. Son ancêtre italien est mort. 49 fois 49.3. Sept innocents sont condamnés à la prison par ce qu’on leur prête des intentions. Il y a des nazis dans la rue.
La fenêtre d’Overton claque contre le mur, complètement dégondée. William Godwin lui-même annonce que son point n’a plus de sens.
Mme Graziella Melchior, députée macroniste de la 5e circonscription du Finistère « doute » parfois. Il y a du monde sous ses fenêtres. Elle n’est pas là. Elle doit voter. Quoi ? Peu importe. Les enfants lui importent, pas ceux qu’elle renvoie à la mort. Elle se soucie de la fin de vie. Elle fait tout pour qu’elle arrive plus vite.
Le réveil sonne. Une nouvelle journée commence. Bientôt une nouvelle année. Condamnons-nous les violences ? Le présent continue. Sommes-nous capable d’affirmer qu’il n’est pas inéluctable ?
2023. Je suis amoureux. Il y a des animaux plein la maison. Il ont tellement d’amour. Je suis sur rond-point. On rigole bien. Je construis une serre sur un terrain municipal. Je vole dans les magasins. Je suis amoureux. Je suis sous les fenêtres de Graziella Melchior. On chante. On chante en commun. On chante : « On est là. », et puis « Ça ira. », et puis « On s’est battu pour la garder », et puis, parfois, « L’internationale sera le genre humain ». Je suis amoureux. Je suis ému. Je suis sous les fenêtres de Graziella Melchior. Elle n’est pas là. Tant pis. Tant pis pour elle.
Il y a d’autres mondes que celui-ci. Il y a d’autres mondes que celui-ci. Il y a d’autres mondes que celui-ci.
❤️❤️🩹